Villa Casablanca : la mémoire flamboyante de Biarritz
Blottie entre l’Hôtel du Palais et la plage du Miramar, sur l’avenue de l’Impératrice, la Villa Casablanca est un bâtiment emblématique du patrimoine biarrot.
Construite en 1922 dans un style mauresque inspiré de l’orientalisme, elle séduit par sa façade blanche bordée de tuiles vertes vernissées, sa pergola rouge et son allure cubique. Un édifice singulier sur la Côte Basque…
Mais derrière ses murs, c’est toute une histoire qui ressurgit : celle de la haute couture, de la royauté européenne et d’un art de vivre révolu.
Une villa haute couture
Édifiée par l’architecte Guillaume Tronchet, célèbre pour sa contribution à l’Exposition universelle de 1900, la villa entre dans la légende de la mode en 1925.
Jean Patou, grand nom de la haute couture parisienne, y pose ses valises et ses tissus, transformant la résidence en show-room estival. Couturier visionnaire, il y présente ses collections demi-saison, imagine les premières tenues de plage, et développe son célèbre parfum Joy, devenu « le plus cher du monde ». L’intérieur, décoré par Louis Süe et les Ateliers Martine, conserve encore des éléments Art Déco, comme l’imposante rampe d’escalier centrale.
À cette époque, la villa devient un lieu de passage pour les stars du moment : Mistinguett, Joséphine Baker, Sarah Bernhardt ou encore Suzanne Lenglen s’habillent chez Patou. Le couturier, également collectionneur, y expose les œuvres de ses amis artistes : Derain, Maillol, Dunoyer de Segonzac, Mare, parmi d’autres.
Une demeure au parfum de royauté
À la mort de Jean Patou en 1936, son beau-frère Raymond Barbas reprend la maison de couture et conserve la villa, qu’il fait vivre jusqu’aux années 1960. C’est ensuite une autre lignée illustre qui prend le relais : celle de la famille royale de Danemark.
Valdemar de Danemark, comte de Rosenborg (1915-1995), petit-fils de Marie d’Orléans, elle-même descendante de Louis-Philippe, s’installe à Casablanca avec son épouse Floria d’Huart Saint-Mauris. La demeure abrite alors de précieux souvenirs familiaux, dont certains seront dispersés lors d’une vente aux enchères organisée en octobre 2016 à Saint-Jean-de-Luz par les commissaires-priseurs Cabarrouy et Lelièvre.
Parmi les lots marquants : un fragment peint du coffre de layette du dauphin Louis-Charles, futur Louis XVII, offert à Marie-Antoinette par la Ville de Paris en 1781. Accompagné d’un certificat signé Pierre de Nolhac, conservateur du château de Versailles, cet objet d’exception illustre la portée historique de la villa.
Aujourd’hui, entre passé et avenir
En 2017, la villa Casablanca était en pleine rénovation. Sa façade mise à nu, enveloppée d’échafaudages, semblait prête à écrire un nouveau chapitre de son histoire. Avec ses 400 m² habitables, ses huit chambres, son toit-terrasse de 200 m² offrant une vue imprenable sur l’océan, elle était mise en vente pour 2,7 millions d’euros par l’agence Sotheby’s à Biarritz.
Mais pour celui ou celle capable d’entendre le murmure des robes de Patou, le frémissement des feuilles d’or de Versailles et les pas feutrés des rois en exil, ce lieu est bien plus qu’une simple demeure. C’est un décor chargé de légende.